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27 juillet 2009

LE SYNDROME DU TITANIC


"À vrai dire je n'ai pas toujours vu le monde tel qu'il est mais plutôt tel que j'avais envie qu'il soit.

Trente ans de voyages et d'engagements progressifs forcent le regard et dévoilent une réalité éloignée de mes illusions. J'ai vu la planète se rétrécir sous mes yeux.

De la conviction insouciante et plaisante d'un monde infini et immuable, j'ai découvert un monde clos et vulnérable. De l'idée d'un progrès constant, réfléchi et soudé à l'avenir, j'ai pris conscience d'un monde ballotté dans un fleuve en crue où chacun essaye le plus souvent simplement de tirer son épingle du jeu sans trop savoir où le mouvement le conduira. J'observe une humanité qui parfois succombe sous le fardeau de ses découvertes, engluée dans l'utopie matérialiste, empêtrée dans les mailles du progrès. Un homme moderne, arraché à ses racines, ballotté entre le virtuel et le réel, saturé d'informations et de connaissances, atomisé, désintégré, qui peu à peu se replie dans son désarroi ou s'affronte pour des idéaux. Je vois cette planète se fragmenter avec le gâchis qui côtoie l'indigence, l'opulence qui caresse la misère. Ce monde inapte à la limite qui efface brutalement son capital Nature. Je crois que l'Homme s'est perdu dans sa propre échelle et que sa conscience n'ait été noyée par ce flot de sciences.

Le temps est venu de faire une pause, de s'extraire de la quotidienneté et de l'urgence chronique pour affronter le rendez-vous critique qui s'offre à nous.
Le temps est venu de nous regarder tel que nous sommes.

Je suis intimement convaincu que nous vivons la fin d'un monde qui a eu ses vertus mais dont les remèdes d'hier sont devenus les poisons d'aujourd'hui. L'avenir n'est désespérant que si nous laissons le temps décider à notre place. Nous ne sommes pas démunis,
le génie humain nous réserve encore de belles promesses, seul compte, ensemble, de revoir complètement l'ambition du projet humain.
Que chacun accepte de changer son regard sur le monde.

C'est tout l'enjeu du film : transmettre par l'image une conviction. Donner la conscience de notre inconscience, pour que chacun se convainque lui-même que la mutation radicale est inévitable et souhaitable. Et que dès lors elle peut se mettre en marche.

Si Le Syndrome du Titanic est un cri d'alarme, il est aussi un cri d'espoir. Ce cap Horn de l'Humanité est paradoxalement l'ultime occasion de nous retrouver autour de la tribu humaine et de redonner du sens au progrès."

Nicolas HULOT



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