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2 octobre 2008

La face cachée des déchets électroniques

Le cadeau empoisonné

Les carcasses d’ordinateurs s’entassent aux quatre coins de l’Asie et de l’Afrique. Sous couvert d’offrir aux plus pauvres les outils informatiques dont ils manquent, certaines entreprises occidentales se débarrassent d’un matériel encombrant et polluant. Peu enclines à financer une filière de recyclage, elles négligent les conséquences environnementales et sociales de leurs « dons ». Sur ces tas de « e-déchets », hommes, femmes et enfants récupèrent des composés pour les vendre, sans savoir qu’ils manipulent des produits toxiques.

« Quand il s’agit de donner des ordinateurs, beaucoup sont prêts à le faire, mais dès qu’on parle de financer l’acheminement du matériel et son recyclage, il n’y a plus personne ! » Cissé Kane ne cache pas sa colère. Responsable du programme E-déchets du Fonds mondial de solidarité numérique (FSN), il dénonce fermement l’hypocrisie des entreprises occidentales qui consiste à « offrir » aux pays en développement du matériel électronique d’occasion, sans se soucier de savoir comment seront traités les déchets. Un bon moyen pour ces dernières de se débarrasser d’un matériel qu’elles jugent obsolète, sans avoir à financer de filière de recyclage. Résultat, des camions entiers arrivent régulièrement en Asie et en Afrique, estampillés « dons caritatifs », pour finir, la plupart du temps, dans le dépotoir le plus proche. Estimer la quantité d’e-déchets est d’ailleurs un exercice difficile car, entre les produits jugés réutilisables par les uns, et hors-service par les autres, la frontière est mince. Le Programme des Nations Unis a tout de même évalué à 50 millions de tonnes la quantité de déchets électroniques produits chaque année.

Un Fonds mondial solidaire

Crée en 2005 à l’initiative du président Sénégalais Abdoulaye Wade, dans le cadre des Sommet mondial de l’information de Tunis, le FSN a pour mission d’aider à l’équipement numérique des pays en développement, « tout en considérant la dimension déchets qui se trouve derrière. » Car en réalité, des populations locales vivent du « recyclage » des e-déchets. Ou plutôt, de la récupération de certains composés des produits électroniques. Or, ces procédés de récupération sont des plus rudimentaires : incinération pour extraire le cuivre, lixiviation de l’or avec du cyanure à l’air libre, manipulation de produits contenant du mercure, du plomb, ou encore du cadmium. En vain, les ONG environnementales alertent régulièrement sur la contamination des populations riveraines, et sur la pollution des sols et des nappes phréatiques. Mais bien souvent, les travailleurs n’ont pas connaissance de la toxicité des objets qu’ils manipulent, ni des risques qu’ils encourent. Le travail du FSN consiste donc à sensibiliser les populations locales, et à soutenir la mise en place d’une véritable filière de recyclage, structurée et règlementée pour limiter les impacts sanitaires et environnementaux. Dans cette perspective, il vient de signer un partenariat avec Hewlett Packard et Empa (institution de recherche suisse), intitulé « Programme gestion des déchets électroniques en Afrique », lancé dans un premier temps au Maroc, au Kenya, au Sénégal et en Afrique du Sud.

Les entreprises épinglées par un rapport de Greenpeace

L’engagement d’Hewlett Packard reste malheureusement un des rares cas isolés. Zeina Al Hajj, chargée de la campagne déchets électroniques de Greenpeace, confirme la réticence des entreprises du secteur « à prendre leur responsabilités.» Si elle note un changement progressif dans leurs méthodes de production, éliminant peu à peu les matériaux toxiques comme le PVC, elle dénonce néanmoins un recyclage du matériel en circulation quasiment inexistant. « Même en Europe, seulement 30 % des déchets produits sont traités. Le reste, nous sommes incapables de dire ce qu’il devient. Il est transporté on ne sait où, de façon totalement illégale. » La jeune femme approuve certes la réutilisation du matériel de seconde main par les pays en développement, mais souhaite que les entreprises en financent aussi le recyclage. « Il n’est pas question, bien sûr, de construire des centres de traitement à tout va, mais on parle de multinationales : si on produit dans le monde entier, on doit financer le recyclage dans le monde entier. »

Chaque trimestre, Greenpeace publie une analyse de la politique de recyclage des entreprises. La dernière en date, publiée le 16 septembre 2008, présente Nokia comme plus « verte » que ces concurrents, notamment grâce à son programme de recyclage global renforcé. Dell ou Apple semblent prendre des mesures prometteuses, mais seulement en Europe et aux Etats-Unis, négligeant les pays où se concentre la quasi-totalité des déchets… Quant à Phillips, sévèrement pointé du doigt par Greenpeace, l’entreprise se cache derrière l’absence de législation dans les pays concernés, pour justifier son inaction en matière de recyclage. De fait, les quelques entreprises contactées par Novethic, dont Apple, n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

Novethic - Anne Farthouat
Mis en ligne le : 17/09/2008


Guiyu, une petite ville chinoise, la situation est catastrophique...



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